Son terrain de jeu, c’est un petit carré d’herbe entre de grands immeubles
blancs, dans le 12ème arrondissement de la capitale.
Jean-Jacques Fasquel, c’est un peu le Mister Compost
parisien.
En costume de ville, il saisit le compost à pleines mains, hume l’odeur de la
forêt revenue dans la terre.
Il raconte, pédagogue, le stade bactéries puis l’envahissement des
cloportes.
Pourtant l’homme n’a pas vécu toute sa vie à l’abri d’une meule de foin, le nez
à fleur de luzerne.
Organisateur de spectacles, directeur de cinéma puis du centre commercial Bercy
Village, il est entré dans le développement durable par la porte des livres et des films.
“Et les pièces du puzzle sont tombées en place”,
confie-t-il.
Reconverti consultant et formateur en développement durable auprès des entreprises ou des collectivités, il s’est alors penché sur sa vie à lui.
L’idée du compost dans sa cour d’immeuble lui est venu un beau jour il y a deux
ans et demi.
“Il y a des gens qui pensent à la présidentielle en se rasant,
moi je pensais au compost en épluchant, sourit Jean-Jacques. Chaque fois que je balançais des épluchures à la poubelle, je me disais que c’était aberrant. Mais ce n’est
pas facile en ville de traiter des déchets organiques.”, même si l’expérience du compost existe déjà dans des villes de moindre densité, comme Rennes.
“Mon pari ça a été de le faire à
Paris.”
L’homme envoie un projet à la mairie du 12ème et à Paris Habitat, propriétaire
de sa résidence.
Il recrute une trentaine de volontaires au cœur des 600 logements qui l’entourent.
Un an plus tard, l’affaire est bouclée et Paris Habitat se charge de tout
financer : des grands bacs à compost, quelques outils ou encore des petits seaux verts dans lesquels chaque volontaire collecte ses déchets. L’organisme délivre même une formation initiale
pour atteler tout le monde au projet.
“Le jour de la formation, il y avait comme un truc magique. Les enfants couraient partout. Des gens qui ne se connaissaient pas se parlaient. C’était le début d’une aventure collective partagée. Moi, ce genre de chose ça me fait vibrer”, s’émeut Jean-Jacques Fasquel. Nous étions en juin 2008.
Depuis, les choses se sont organisées.
Une newsletter alimente les adhérents en infos pratiques et rappelle les
consignes de base.
Les “apprentis composteurs”, eux, se rassemblent pour la distribution du
compost qui garnit leurs jardinières et bientôt... un jardin potager où chacun des composteurs aura son bout de parcelle.
“Ce n’est pas un truc de bobo, il ne s’agit pas d’amener la
campagne à Paris mais de mener à bout un raisonnement intellectuel : ’J’ai des déchets qu’est ce que j’en fais ?’ Ici, c’est plutôt une histoire collective”, se félicite
Jean-Jacques Fasquel.
Parmi les apprentis composteurs, des petites mamies, des familles de cinq et
“toutes les catégories sociaux-professionnelles”.
Aujourd’hui, ils sont une cinquantaine d’apprentis, et il y a même une liste d’attente.
Pendant qu’il garnit ses rangs, Jean-Jacques Fasquel élargit aussi son terrain
de jeu.
L’homme est passé maître composteur et proposera une formation sur le sujet en
novembre.
De bénévole dans la cour de son immeuble, il est passé conseiller en
compost.
Dans le 20ème, il est même allé installé deux bacs à la demande d’un bailleur
social.
Le compost en ville ?
Des limites ?
“Il faut quand même un petit bout de terre. Sur le béton
c’est difficile. Il y a du liquide qui coule et il faut bien aussi que la microfaune vienne de quelque part !”.
Mais des bouts de jardin à Paris, ce n’est pas ça qui manque, assure Mr Compost, toujours prêt à aller poser ses bacs et distiller son savoir dans une autre cour d’immeuble.
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Photos : Karine Le Loët