Je parlais voilà peu des divers systèmes permettant
de dépasser les transactions pécuniaires tout en préservant les ressources en matières premières. Aujourd’hui je voudrais m’arrêter sur un système d’échanges qui va encore bien au-delà,
puisqu’il permet non seulement de sauvegarder des espèces anciennes mais il donne aussi la possibilité de lutter contre la standardisation imposée par les grandes surfaces et donne la
possibilité d’agir concrètement contre l’érosion de la biodiversité.
Oui, je viens juste de découvrir qu’il existait tout un monde foisonnant, surfant sur les possibilités offertes par le web et extrêmement bien organisé, qui
passait son temps à échanger des graines.
Crédit photo : Stephen Ausmus - United States Federal Government
Petite graine deviendra beau légume ou fruit
On a tendance à l’oublier dans le monde de plus en plus hors sol et calibré dans lequel nous vivons, mais chaque légume ou fruit arrivant dans notre
assiette est originellement une petite graine.
De quoi parle-t-on ?
Dans le cycle de vie des « plantes à graines », la graine est la structure qui contient et protège l’embryon
végétal. Elle est souvent contenue dans un fruit qui permet sa dissémination.
La graine permet ainsi à la plante d’échapper aux conditions d’un milieu devenu hostile soit en s’éloignant, soit en attendant le retour de circonstances
favorables.
Structure schématique d’une graine d’Angiosperme Dicotylédone.
a : tégument ; b : albumen ; c : cotylédon ; d : embryon
Elle provient d’une transformation de l’ovule fécondé. De ce fait, elle est composée à la fois de parties provenant du sporophyte maternel (les enveloppes de la
graine), du gamétophyte (les tissus de réserve de la graine) et du sporophyte de la génération suivante : l’embryon.
Elle a un rôle de protection du nouvel individu grâce à son enveloppe souvent durcie, et de nutrition grâce à des réserves de substances nourricières. Les
graines ont en effet la propriété d’accumuler, sous une forme facile à conserver, des réserves destinées au développement futur de l’embryon. Elles constituent ainsi une source d’alimentation
recherchée par les animaux (régime alimentaire granivore) et par l’homme (céréales, légumes secs…).
En agriculture, une graine sélectionnée pour être semée est une semence.
Source : Wikipédia
J’ai pour la première fois cette année fait mes propres semis et j’ai trouvé tout simplement miraculeux qu’une si petite graine de tomate donne une plante
aussi exubérante, aux fruits si abondants. En faisant cela, je me suis reconnectée à un principe naturel issu de millions d’années d’évolution, un principe naturel
dont nous tiennent éloignés les rayons tous identiques des grandes surfaces.
J’ai pour ma part acheté mes graines et opté au final pour des variétés de légumes et de fruits somme toute très classiques. Mais c’était parce que j’ignorais que
j’avais à portée de clic tout un monde de possibles !
Des graines par milliers… gratuitement ?!
Un des précurseurs de ce système d’échanges est Patrice Dumas, qui a lancé en février 2006 semeurs.net, après avoir créé fruitier.net et
greffer.net, gigantesque base de données permettant à des milliers d’internautes de faire circuler partout dans le monde des centaines de milliers de graines.
Un système extrêmement simple où chacun pouvait s’inscrire gratuitement et proposer les graines qu’il avait en sa possession. Un procédé qui avait le gros
avantage de pouvoir faire circuler des variétés peu répandues, anciennes, rares et au final de préserver la richesse et la pluralité de la biodiversité.
Parce qu’il n’existe pas seulement deux variétés de tomates (les rondes et les cerise) et que chaque espèce possède des quantités parfois hallucinantes de
déclinaisons. Que l’on ne retrouve bien entendu jamais sur les étals des supermarché, standardisation oblige.
Des échanges gratuits qui ont néanmoins fini par faire des jaloux et hérissé tous ceux qui vivent de la vente des graines, conduisant Patrice Dumas à conserver
uniquement fruitier.net et greffer.net.
Le site a néanmoins perduré sous l’action d’anciens utilisateurs qui ont refusé de le voir disparaître et l’ont pérennisé en créant semeurs.free,
“un site gratuit, à but non lucratif, communautaire, libre de droits et ouvert à tous les jardiniers amateurs désireux de faire don de leurs semences potagères ou simplement d’enrichir la base
de données” et dont les buts sont définis de la manière suivante dans la charte :
-
Le site a pour but de faciliter le don de semences, non hybrides et libres de droits, entre jardiniers amateurs maîtrisant parfaitement les techniques de
production de semences (état sanitaire de leurs pied-mère, protection anti hybridation si nécessaire…). C’est une bourse aux graines. Le principe d’une bourse est le suivant : les
usagers qui souhaitent y participer proposent, pour y accéder, la liste des semences qu’ils possèdent et la mettent à la disposition de l’ensemble de la communauté participante. C’est en
suite de cela qu’ils sont en droit de demander des semences aux autres usagers.
-
Le site propose une encyclopédie variétale collaborative (wiki) afin que l’ensemble des membres établissent des fiches variétales des variétés qu’ils
cultivent.
Un habitué du site historique avoue que “personnellement [il] n’achète pratiquement plus de graines. Les semences font partie du patrimoine mondial de
l’humanité et devraient être gratuites !!!” et assure que la démarche est très simple, puisqu’il “suffit de conserver quelques plantes, les laisser grainer, récolter, ensacher,
étiqueter et voilà”.
Alors, qu’attendons-nous pour échanger et planter nos petites graines ;-) ?
++ Pour aller plus loin ++